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Jean Lezurc
6 octobre 2012

La porte

照片 001

depuis l’aube des temps
ils gardaient la porte du temple
la lourde porte de la Haute Demeure
ils en avaient les clefs
et passées quelques mises à l’épreuve
ils laissaient passer les enfants
nos pères bienveillants nous laissaient entrer
entrer dans la lumière
la douce lumière de la Haute Demeure
la demeure des coeurs d’enfant


nous étions alors si reconnaissants
si reconnaissants que nous en avions les larmes aux yeux

ce jour-là   nous les avons appelés maîtres

 

les maîtres nous guidaient
les maîtres étaient bons
les maîtres étaient fiers
fiers de leurs disciples
fiers d’être des maîtres
fiers d’avoir les clefs
les clefs de la lourde porte
la porte de la Haute Demeure

 

nous  nous étions si faibles
si faibles et sans clef
eux  ils étaient le pouvoir
le pouvoir d’ouvrir les portes
les portes de nos geôles

nos geôles d’obscurité

 

d’ailleurs  plus la peine de se donner la peine
c’était eux  les maîtres
cela suffisait
cela suffisait pour être aimés

et la clef fut cachée
fut cachée quelque part
quelque part sous les pans de la robe étoilée

 

 

pourtant  on avait rien résolu
la porte était là
le souvenir vivant
et ces bourricots qui réclamaient la clef !


de toute façon  on l’avait bien cachée
on l’avait bien cachée
si bien cachée qu’on ne pouvait plus la trouver


alors  on fit comme si
comme si on l’avait toujours
comme si ces pourceaux ne pouvaient la mériter
comme si ces rats avaient quelque chose à se faire pardonner

 

mais les rats commencèrent à douter
à douter des geôliers
à douter de leurs histoires
de leurs histoires à dormir debout


d’ailleurs  que faisaient donc des geôliers enfermés dans des geôles ?
des geôliers enfermés  on n’avait jamais vu ça !
qui plus est  enfermés avec des rats
avec des rats affamés !
alors  tout se passa très vite
et la rataille passa à l’action

on bouffa les geôliers
on les bouffa jusqu’au dernier
jusqu’au dernier petit doigt de pied
ce qui d’ailleurs ne laissa qu’un vague arrière-goût
qu’un vague arrière-goût de viande faisandée
et l’on resta sur sa faim

 

en effet  on n’avait rien résolu
la porte était là
et le souvenir confus d’un autre âge pourrissait l’atmosphère


d’ailleurs  parmi tous les vers de terre
certains lorgnaient encore cette foutue porte
certains s’imaginaient même l’ouvrir !
MAIS L’OUVRIR AVEC QUOI  NOM DE DIEU ?!

 

Alors  pour ne plus mettre en péril le vaste pouvoir des lombrics sur les vermisseaux
il fut tout simplement décidé que la porte n’était pas là
que la porte n’existait pas
que la porte n’avait jamais existé
que tout cela n’était que fariboles
et autres histoires d’enfants
d’enfants vermisseaux évidemment !

 

évidemment
on devait se rendre à l’évidence
à l’évidence de cette existence réduite aux souterrains
réduite aux souterrains de cette nouvelle réalité
réduite à cet entrelacs de galeries creusé dans une nuit sans fin

oui, il n’y a plus d’autre choix
il n’y a plus d’autre choix que de ramper le long de ces couloirs de ténèbres
dans ces couloirs de la mort
dans ces couloirs de la mort parsemés ci et là
de quelques souvenirs de vie

Commentaire de l'auteur :

Y a-t-il une porte vers la vérité dont on aurait même oublié l'existence ? Je n'ai pas la prétention de convaincre qui que ce soit. Pour ma part, j'estime que renoncer à cette recherche serait le reniement même de ce que je prétends être. C'est peut-être un pari que je me fais à moi-même, mais le "vermisseau" que je suis n'a absolument rien à perdre.

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Jean Lezurc
  • Ce blog est destiné à faire connaître ma recherche aussi bien sur l'amour de l'inconnu/e que sur le métissage qui en est le fruit savoureux. Je vous propose donc des extraits du roman que j'écris, mais aussi des poèmes et des idées qui me tiennent à coeur.
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