Un poing
inspirer expirer inspirer expirer
regarder ses doigts qui s’inclinent lents
et saluent
se courbant humblement jusqu’à la paume
les serrer les sceller
et dresser le poing
c’est tout ce que nous aurons
c’est tout ce que nous aurons jamais
se laisser prendre par la faim
se faire tenir par la soif
pour enfin partager le plaisir passager
de se sentir rassasié
entre corps de chair palpitante
entre êtres de sang battant aux tempes
et qui nous sont chers
et qui nous sont tendres
c’est tout ce que nous aurons
c’est tout ce que nous aurons jamais
se laisser gagner par la peine
se faire mouiller par la pluie
pour enfin s’entourer du châle des réconforts
et s’emmitoufler dans les mailles
imprégnées de l’odeur maternelle
s’étendre confiant
sur un coin d’herbe égayée de soleil capricieux
et s’imaginer sauvé
et se croire heureux
c’est tout ce que nous aurons
c’est tout ce que nous aurons jamais
se laisser prendre au jeu
et tenir en haleine
pour divertir l’esprit des mots réfléchissants
et attendre l’âme engourdie
jusqu’au prochain sursis
et fredonner l’air de rien
l’air entêtant des souvenirs futiles
une fois
rien qu’une fois
re-garder sa vie dans le creux de sa main
et reposer le poing
un point
un point sur le cercle de l’existence
c’est tout ce que nous aurons
c’est tout ce que nous aurons jamais
---Photos : La cueva de los manos en Argentine---